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Un transformateur pour passer des réseaux AC à DC


Des chercheurs de l’EPFL ont réalisé un transformateur de moyenne fréquence compact et efficace. Il devrait permettre d’améliorer la flexibilité et l’efficacité des réseaux électriques intelligents de demain, ainsi que celle des réseaux de distribution DC.

Depuis plus de 100 ans, les réseaux de distribution électriques du monde entier fonctionnent avec du courant alternatif (AC). Écarté il y a un siècle, le courant continu (DC) revient à présent sur le devant de la scène et il est en train de devenir la norme, grâce aux progrès de l’électronique de puissance.

Aujourd’hui, la plupart de nos appareils tels que les ordinateurs, les LEDs et les voitures électriques fonctionnent avec du DC. C’est également du DC que produisent les batteries ou les panneaux photovoltaïques. Par ailleurs, les réseaux DC haute tension constituent un moyen efficace pour transporter de l’énergie sur une longue distance. Or ces réseaux sont toujours interconnectés avec les réseaux AC hérités du passé.

Pour établir un jour un réseau entièrement DC et faciliter le développement du concept de smart grid, il est nécessaire de développer de nouvelles technologies. Des dispositifs de conversion d’électronique de puissance flexibles, efficaces et très performants sont requis. On les appelle communément les «solid-state transformer» (SSTs).

Les SSTs peuvent réaliser n’importe quelle conversion électrique (i.e., AC-AC, AC-DC, DC-DC, DC-AC) selon les besoins. Un peu comme le ferait un couteau suisse multifonctions.

À l’EPFL, les chercheurs du Laboratoire d’électronique de puissance (PEL) de la Faculté des sciences et techniques de l’ingénieur ont mis au point une méthode pour optimiser et produire de petits transformateurs de moyennes fréquences (MFTs), qui sont des éléments-clés des SSTs.

Ils ont fabriqué un prototype MFT, conçu à la base pour 100 kW et qui a pu fonctionner à 10 kHz. Testé rigoureusement, ce dispositif est utilisé pour donner des tutoriels techniques à de nombreux spécialistes issus du monde industriel et académique.

Pourquoi le DC revient-il?
Il y a environ 150 ans, la «guerre des courants» aux Etats-Unis s’était soldée par l’adoption des technologies AC en tant que standard tout autour du globe. À cette époque, contrairement au DC, l’AC pouvait voyager sur de longues distances et sous haute tension avec relativement peu de pertes. Il pouvait ensuite être converti facilement à une tension basse pour l’utilisation par les consommateurs.

Avec le développement de l’électronique de puissance, la situation a changé. Les nouveaux SSTs rendent les changements de voltage très faciles, que ce soit pour un réseau AC ou DC. Cette technologie apporte en outre de nombreux avantages stratégiques. Par exemple, la stabilité et la contrôlabilité des réseaux électriques, la baisse des coûts liés aux lignes de transmission, et l’augmentation de la densité de puissance dans les composants magnétiques. «Notre dispositif est extrêmement flexible. Nous pouvons rapidement changer le débit de puissance (power flow) et de manière très efficace», explique Marko Mogorovic, l’un des créateurs du prototype à l’EPFL. «Cet aspect est très important si l’on veut intégrer le courant intermittent des sources renouvelables, dans les réseaux intelligents de demain».

Plus la fréquence est haute, plus le dispositif est compact
Autre avantage: le caractère compact du prototype. «Dans un système de courant alternatif AC, les transformateurs fonctionnent à une fréquence définie par le réseau environnant. En Europe, cette fréquence est fixée à 50 Hz», explique Drazen Dujic, directeur du Laboratoire d’électronique de puissance. Cette fréquence ne pouvant être changée, aucune miniaturisation n’est possible.

«Dans un système DC, au contraire, les transformateurs fonctionnent à l’intérieur de convertisseurs avec des fréquences très hautes, allant jusqu’à des dizaines de kilohertz. Or, plus la fréquence est haute, plus un transformateur sera compact», ajoute-t-il.

La réduction en taille des transformateurs est un atout non-négligeable pour les systèmes de tractions, tant que pour leur efficacité que leur intégration. «Une locomotive plus légère consomme beaucoup moins d’énergie», illustre Marko Mogorovic. Dans ce cas précis, le courant des lignes ferroviaire AC est transformé en DC par le dispositif, pour les opérations de traction et de propulsion. En Suisse, le réseau fonctionne à 16,7 Hz, ce qui se traduit pour l’instant par de gros transformateurs à l’intérieur des locomotives.

Parallèlement, cette miniaturisation représente un véritable défi pour les ingénieurs, qui doivent gérer des contraintes multiples et multidisciplinaires, qu’il s’agisse de problèmes physiques, thermiques, diélectriques ou magnétiques. Les chercheurs de l’EPFL ont mis au point des modèles sophistiqués et très rapides, qui permettent de générer plusieurs millions de designs possibles. Il suffit ensuite de sélectionner le design en fonction des performances souhaitées.

©EPFL

«La réalisation d’un transformateur de ce type au sein d’un laboratoire constitue une étape majeure, étant donnés les problèmes de fonctionnement et de sécurité que ce genre de dispositifs engendre habituellement», explique Drazen Dujic. «Nous sommes parvenus à le faire fonctionner parfaitement. C’est cela qui intéresse les experts de la branche.»

Une technologie d’avenir selon l’OFEN
Pour Michael Moser, responsable de la recherche dans le domaine du réseau électrique à l’OFEN, cette technologie est tournée vers l’avenir: «Nous avons réalisé l’année dernière une étude sur le potentiel dans les réseaux de distribution à tension alternative. Celle-ci démontre qu’actuellement, il n’est pas encore intéressant de remplacer les technologies conventionnelles par un transformateur de moyenne fréquence. À l’avenir, cette technologie devrait pouvoir faire sa place dans le secteur. Aujourd’hui, le courant continu est utilisé principalement sur des bateaux cargo électrique ou dans l’industrie.»

Laure-Anne Pessina, EPFL Mediacom

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