Balade dans les méandres du suisse allemand


Plus précis qu’une carte Cumulus, les dialectes vous suivent dans tous vos déplacements, connaissent votre histoire, votre famille, vos amis. Polymorphes mais stables, omniprésents sans être officiels, ils restent méconnus, intriguent… et pimentent mon quotidien linguistique à l’OFEN.

Par dialectes, je pense avant tout au suisse allemand: la Westschweiz – à l’exception de quelques régions catholiques – a perdu ses patois depuis bien longtemps. Histoire et géographie sont liées, alors partons pour une balade dans le temps et dans l’espace.

Langue ou dialecte? Est-ce que la distinction fait vraiment sens dans le cas du suisse allemand? Parlé par une majorité de la population alémanique, sans distinction d’âge ou de classe sociale, il s’invite aussi à l’écrit. On le voit désormais partout, dans les rues, sur les menus, les enseignes, les affiches publicitaires. Porté par les nouveaux médias, qui lui ont donné une plate-forme de choix, il n’a toutefois pas attendu la modernité pour s’approprier l’écrit. Il accompagne le carnaval bâlois depuis le XVIIIe s. dans les Zeedel, sa littérature est bien présente, ses sources sont tellement nombreuses qu’elles ont même alimenté un dictionnaire de 17 volumes.

Souvent opposé au bon allemand, qui est son pendant officiel, écrit et sérieux, le suisse allemand mérite un petit rappel historique. C’est la traduction de la Bible au XVIe s. qui a élevé un dialecte germanique au rang d’allemand standard, reléguant tous les autres dans son ombre. En Suisse – comme en Allemagne – les dialectes sont encore très vivants.

Les Suisses allemands ne se comprennent pas entre eux. C’est ce que l’on entend parfois en Suisse romande et on préférerait qu’il en soit ainsi, tellement il est étonnant de pouvoir se comprendre avec une telle variabilité: libres de l’obsession de faire juste ou faux qui caractérise la langue française, les dialectes varient sur les voyelles, les consonnes, la structure, le vocabulaire, sans que cela soit un obstacle à la communication. Un tel bric-à-brac fait parfois oublier quelques avantages de taille: pas de prétérit, pas de génitif, et les déclinaisons sont simplifiées.

Ce qui frappe aussi c’est la souplesse avec laquelle les dialectes s’adaptent et s’enrichissent, empruntant au français dès le XIXe s. puis à l’anglais, tout en étant eux-mêmes happés par des communautés plus grandes, régionales, cantonales, sans toutefois succomber à l’uniformisation ni perdre de leur identité.

Même si cette langue non codifiée donne une impression de liberté, elle garde ses règles et permet d’associer immédiatement une personne à une région. Si vous en doutez, passez vos collègues à la moulinette du Chochichästli-Orakel, qui vous révélera d’où ils viennent avec une précision impressionnante.

Le suisse allemand est par essence la langue de l’informel, celle du quotidien, des loisirs, de la famille. C’est une langue intime, apprise dès la petite enfance. Alors, impossible à apprendre? Peut-être, mais sachant qu’elle est faite d’histoire et de géographie on peut se rapprocher de sa logique. En repérant comment ces éléments font varier son expression: prédominance de la voyelle a dans la région bernoise (oui se dit -> jaa), du o plus au nord (-> joo). En suivant la prononciation de certaines consonnes: le dialecte bâlois est par exemple le seul à prononcer le K comme en allemand standard (-> Kind et non Chind).

La diversité est un bien culturel qu’il appartient à chacun d’explorer. Bonne balade!

Nicole Demarta, responsable du service de traduction, OFEN

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